Bernard Craco pilote d’avion
Tout commence en Suisse, a Belp. Nous fréquentions la baignade dans la Gürbe en bordure de l’aérodrome, le Belpmoos, et le survol des planeurs finit par m’inspirer. Sous la férule de Herr Vogel (ancien pilote de la Luftwaffe), nom prédestiné s’il en fut ! J’arrivais rapidement au moment fatidique du premier vol en solo le 6 août 1952.
Quelle émotion unique, présente encore à ma mémoire. Soudain, le lâcher du câble du remorqueur, me laissant seul avec moi-même aux prises avec l’angoisse qui vous envahit, le contact perdu avec le sol (la radio n’existait pas encore sur les planeurs) faisant rapidement place à la jubilation accompagnée par le sifflement du vent sur le plan. Le monde ne sera plus jamais alors le même pour moi.
Sport d’équipe, il occupe des journées entières, peu compatible avec les horaires d’un étudiant. Il faut se » résigner » à passer au « moteur »…
Première initiation dans un aéroclub étudiant à Meaux Esbly. Nouvelle émotion du lâcher, mais cette fois il y a un moteur devant, plutôt rassurant. L’accident dramatique de mon moniteur avec une progression au brevet élémentaire en décembre 1959.
Je la reprends rapidement avec le Touring Club à Toussus. J’apprécie le coté école avec des vols sur rendez-vous, l’enseignement structuré. L’aboutissement est le brevet de pilote privé d’avion le 7 juin 1960.
Le premier » voyage » dès le samedi suivant : faire la surprise à mon père de l’emmener à Orléans le matin, et le ramener pour déjeuner à la maison ! Il n’était pas peu fier de faire son baptême de l’air avec son fils comme pilote. Et quelle admiration devant l’habileté de mon atterrissage que ce fut en fait mon plus beau » cheval de bois » de ma carrière de pilote, dans le vent de travers, auquel je n’étais absolument pas formé. Le second voyage est tout aussi remarquable. J’invitais mon amie Bernadette à passer une après-midi sur la plage de la Baule ! Magnifique journée de printemps ensoleillée. Je n’étais pas encore initié aux changements aérologiques rapides du bassin parisien, sujets aux orages.
Le retour s’effectua en cheminant entre les cunimbs, sans radio, mais avec quelques angoisses. Je me perdais rapidement. Ne pas avoir la moindre idée du lieu que je survole! Enfin un terrain en vue! Terre ! Terre ! Résolu à me poser, surgit au sol, le nom de « Dreux » en lettre de gazon! Remise immédiate des gaz alors que je me croyais à Chartres… Je pense avoir bien masqué mon angoisse, et me posais avant le coucher de soleil à Toussus.
En 1962, après le service militaire je m’installais à Deauville. L’allongement de la petite piste en dur en 1964 ne sera pas sans conséquences ! L’entreprise de Pierre Branchu fut chargée des travaux.
De notre rencontre sur le terrain s’ensuivit une amitié de plus de 40 ans avec Pierre (et d’autres rebondissements vus par ailleurs !). Je suivais alors une progression sérieuse sous la férule de mon ami André Mancel. Enseignement de la sécurité de tous les instants, une véritable religion.
Les voyages se succèdent alors. D’abord dans le voisinage, comme le petit déjeuner du dimanche matin à Jersey. Plus éloignés ensuite, la Suisse, les Alpes, la Corse (angoisse des survols de la mer avec perte des références visuelles dans la brume.). Enfin les aventure comme Corfou, Athènes, la Turquie… Seulement les vols a vue (VFR) en raison des aléas météorologiques (les prévisions étaient aussi fiables qu’aujourd’hui!) conduisent aux voyages par train.
Le vol aux instruments (IFR) semble être la solution. Mais un vol par mauvaises conditions et qui plus est de nuit … ne se conçoit qu’avec deux moteurs. C’est la dure mais efficace école Fenwick de Guyancourt. Hélas les conditions météorologiques ne sont pas pour autant négligeables (atterrissage de nuit au Bourget, dans les bourrasques de neige sur déroutement) et nous ramènent aux voyages par le train !
Décidément l’aviation est bien un moyen rapide de transport pour gens pas pressés! La « Ronde de Nuit » européenne de 1975 sur monomoteur Cessna 192 avec un atterrissage de nuit a CDG ne sera qu’une exception (mais quelle exception !).
Une nouvelle fois un dramatique accident dont est victime cette fois mon ami André Mancel sur Cap 20 avec un élève en cours de perfectionnement de voltige, interrompt brutalement ma joie de voler avec en tout plus de mille heures de vol. Je n’effectuerai plus ensuite que de rares voyages pour abandonner, définitivement je crois, à ce jour.