? La question pourrait se poser chez les Craco. Plus simplement je retiendrais l’influence du » milieu familial » par la présence de nombreux talents. A commencer par l’oncle Julien Morgeaux professeur de violon, père d’Henri Morgeaux pianiste, prix du Conservatoire de Paris, professeur de musique.
L’école rue Oberkampf à Paris fut le rendez-vous de nombreuses vedettes (en particulier la famille Fratellini avec la proximité du Cirque d’Hiver) mais aussi de nombreuses réunions de famille dont la musique n’était jamais absente.
S’il est devenu transfuge dans la variété, (accompagnateur de longues années d’Yvette Horner ) c’est avec le talent que sa formation classique lui avait assuré.
La tante Lucienne est une autre étoile musicale de la famille Morgeaux, dans le domaine du chant, sa carrière internationale de soprano lyrique s’est prématurément interrompue après une intervention malencontreuse sur les cordes vocales (le laser n’existait pas encore) Mais elle a rapporté de ses tournées au Canada (« à la claire fontaine » » au clair de la lune » ) et en Extrême Orient des costumes de scène superbes et des souvenirs uniques qu’elle nous a fait partager.
Ce qui l’a conduit à inventer dans les années 30, le » Play back » avant la lettre, et à monter un spectacle destiné aux enfants de écoles (pendant l’occupation allemande dans la « zone libre «) : » la Chanson Français à travers les âges » illustré de nombreux costumes fabuleux (ses costumes de scène de l’époque révolue). Avec l’âge, elle s’est consacrée à la diction. Sa déclamation des poèmes de son mari Jean d’Aven ou des poèmes épiques du Moyen Age est tout à fait unique.
Il y a enfin sa sœur Léonie, ma mère, qui sans être professionnelle, avait une voix de soprano tout à fait remarquable.
C’est cette voix qu’elle a mis au service d’une chorale paroissiale (Immaculée Conception de la rue du Rendez-vous, tout un programme) dont elle fut la principale instigatrice avec Constant.
Mes trois frères jouaient fort convenablement du piano à la maison. Jacques et les fils d’amis de nos parents François et Jean Chaverou, violonistes créent à la maison, au 100 ter avenue de St Mandé, en 1940 un petit ensemble , très vite complété par le voisin du dessous, Aimé Bourbon suivi de près par le voisin du troisième Rullaert, violoncelliste! .Se trouvait ainsi constitué un petit orchestre de chambre, amateur, mais de qualité. Les répétitions avaient lieu à la maison tous les mercredis soirs. Pendant ce temps la chorale avait pris du corps, et une certaine indépendance par rapport à la paroisse pour devenir la « Cantilène ». Les répétitions se tenaient également à la maison, le vendredi soir. Tout l’immeuble ou presque se trouvait ( à son corps défendant ! ) bénéficiaire de nos harmonies, sans la moindre protestation malgré des répétitions qui se prolongeaient fort tard dans la soirée Semaine bien musicale pour mes petites oreilles qui n’en rataient pas une mesure ( mon lit étant disposé derrière le piano, un rêve ! ) A ces ensembles il fallait un chef. Ce fut d’abord Monsieur Pisay, puis Lepesan et enfin mon professeur de musique au collège, Robert Delacroix .Les succès se précisaient tant à la tribune de l’église de la Paroisse que dans des représentions à l’École St Michel. Un spectacle, les « Antillaises » eut quelques retentissements dans le quartier puis d’une » Mireille » de Bizet (mise en scène de notre ami Michel Proyer ) encore dans nos mémoires. Il en a été fait une gravure 78 tours sur disque souple apparemment perdue à ce jour, et c’est dommage. . La Cantilène se produisit dans une émission d’actualité de Jacques Chabannes sur France Inter à midi trente c’est dire que son rayonnement ne se borna pas tout à fait aux limites du quartier !
Des amitiés profondes se soudèrent, véritable Amicale, avec ses joyeuses réunions et sorties en campagne, auxquelles se joignirent des amitiés antérieures de St Louis de Vincennes, formant un noyau cosmique d’amis, encore vivace aujourd’hui. Il illumina toute notre vie et eut parfois des conséquences inattendues, comme le mariage de Pierre et Geneviève ou ma venue au Canada…. (Nous pouvons le voir par ailleurs).
Il n’est donc pas nécessaire de faire appel aux gènes pour expliquer mes goûts en matière de musique, exemple parfait de l’importance en cette matière, là comme ailleurs, de l’environnement familial et de l’éducation.
Éducation musicale qui se compléta grâce aux concerts des Jeunesses Musicales de France (en particulier des concerts au Châtelet du dimanche matin animés et commentés par Bernard Gavoty… quel privilège avions nous !) et des concerts parisiens à petits prix.
Paris bénéficiait encore d’un genre pratiquement disparu aujourd’hui dans la capitale : l’opérette (signalons que depuis, la classe d’opérette a disparu de l’enseignement du Conservatoire de Musique de Paris !).Guetary, Mariano ou Fernandel firent nos beaux soirs…
Ce furent ensuite les concerts prestigieux de l’Orchestre de Paris avec quelques grands chefs comme Barenboim, Bychkov, Eschenbach, du théâtre des Champs Elysées avec Harnoncourt , Menuhin, puis avec mon éloignement à partir de 1980 en Haute Savoie, Genève au Victoria Hall avec des solistes aussi prestigieux que Argerich, Perahya, Ashkenazy, Radu Lupu, Brendel… La Chaise Dieu Kiteanko ou Christie, Évian et Rostro, à l’auditorium Maurice Ravel de Lyon, Kent Nagano (retrouvé a Montréal ), Gardiner…et depuis mon arrivée aux Amériques Charles Dutoit avec (et jusqu’ à son départ) le Symphonique de Montréal, Boston et Tanglewood avec Seiji Ozawa, Bernard Haitink et Yoyo Ma, Cleveland avec Maazel, Chicago avec Barenboim, ou Detroit avec Neeme Järvi, Orchestre de Paris et Paavo Järvi Saint Petersburg et Gergiev. Enfin le festival de Verbier toujours aussi riche de talents confitrmés ou découverts.
Les autres grands chefs que je vénère sans avoir eu le privilège de les voir et entendre Karajan, Celibidache Munch occupent une place privilégiée dans ma discothèque.
Je réserve une place particulière pour l’opéra, ou là encore je m’estime privilégier d’avoir pu entendre Caballé (mais pas Callas, hélas) a Paris (Garnier) dans Norma en 1972, Marilyn Horne au Châtelet ou dans une » Italienne à Alger » au Convent Garden (14 juillet 1989.. ma façon de célébrer le bicentenaire !) Dans de multiples productions Samuel Ramey et José Van Dam qui se multiplie encore comme un jeune homme dans les salles du monde entier (plus de 250 représentations annuelles …) au Met, Swanson , June Anderson, au Grand Théâtre de Genève ,Ewing, Pavarotti encore jeune, à Lyon, Jessy Norman, a Glyndebourne Kozena .
Si rien ne peut remplacer le concert ou l’opéra sur le vif, faute de mieux lorsque l’éloignement est la (ou les manques de moyens !!) la chaîne Hifi .peut être un substitut