En tant qu’étudiant en médecine j’ai bénéficié d’un sursit a » l’appel sous les drapeaux « . Incorporé en octobre 1960 j’ai fait mes classes au Fort de Vincennes avant de poursuivre par les EOR de médecine à Libourne, histoire de perfectionner mes notions d’œnologie grâce aux conseils éclairés et avinés de notre ami Alain Querre qui venait de succéder à son père Daniel a la tête du domaine du Château Montbousquet.
Le départ en Algérie en janvier pour une petite plage au sable incomparable, l’ennui c’est que la mer s’est retirée à 250 Kms au nord : Tébessa
Facile d’y jouer les enfants, pardon, les soldats terribles, ne voyant pas quelle sanction disciplinaire pire pourrait nous être appliquée. D ‘ ou des notes glorieuses de la part de mon colonel!. Retour en métropole après le puch, et 8 mois médecin lieutenant à l’Hôpital Baur de Colmar avec en prime un prise de poids de 18 kg !!!
Le 10 Septembre I960 X° REGION MILITAIRE
Le Chef de Bataillon de la PORTE des VAUX Z.H.C. 14° D.I.
Commandant le 67° Bataillon d’Infanterie
67° B.ï.
a H° 420/F/PC.
Monsieur l’Intendant Militaire de ,1° Classe Chef de Service de l’Intendance de la Zone Nord Constantinois
Objet/ Caleçons courts
Référence: N.D.S. IIe 1530/4 AR du 20.8.1960 de Monsieur le .Directeur de l’Intendance en Algérie et au Sahara.
Transmission 2426/44 du 31.8.1960 de Monsieur l’Intendant Militaire, Chef de Service de l’Intendance de la Z N C
J’ai l’honneur de vous faire parvenir ci-après les renseignements avis et propositions demandés par la note citée en référence.
Je n’ai pu me livrer qu’à une enquête rapide, puisque cette note ne m’est arrivée que le 4 Septembre, je n’ai disposé que de la moitié du temps qui a été nécessaire pour qu’elle soit acheminée d’Alger à Constantine, alors que j’ai dû contacter deux compagnies détachées à plus de 60 kms de mon P.C.
Mon enquête a été néanmoins approfondie et elle se fonde sur les réponses de mes5 Commandants de Cies, de mon O.R. et de mon médecin.
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II ressort de cette enquête que l’accueil fait au caleçon court par le soldat du contingent, et même je crois, par les cadres, est fonction d’un certain nombre de facteurs.
On peut distinguer, je crois, en gros, le facteur vestimentaire, le facteur médical et le facteur psychologique»
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Sur le plan vestimentaire, il faut reconnaître que le caleçon court présente un certain nombre d’inconvénients.
D’abord il n’existe que dans un nombre limité de tailles, et qui elles-mêmes ne figurent pas en nombre suffisant dans les magasins du Corps. Il s’ensuit que le soldat se trouve souvent en possession d’un caleçon qui ne correspond pas sa taille. Il faut donc délacer les boutons, besognes qui lui paraissent fastidieuses. Autrefois ,1e caleçon était tenu solidaire du pantalon par les bretelles, mais cet article a disparu du paquetage.
Ensuite le système de braguette ne disposait d’aucun moyen de fermeture entre les boutons supérieurs et la couture inférieure, ne présente pas toutes les garanties souhaitables pour la pudeur du soldat amené à se déplacer avec ce seul vêtement, ce qui n’est pas fréquent, mais arrive parfois la nuit lorsque son détenteur sort de sa chambre pour soulager un besoin naturel»
En outre, avec le short, dont l’usage se généralise en AFN, le caleçon court est d’une remarquable indiscrétion. Amené à passer souvent du treillis de combat au short, le soldat, soucieux d’éviter les fatigues inutiles, préfère ne pas avoir à changer en même temps de sous-vêtement.
Enfin le tissu du caleçon court est fait d’une toile extrêmement grossière, robuste. Il faut en moyenne une quinzaine de lavages à la brosse pour lui donner une souplesse relative. A ce moment-là, il est usé. On m’a également signalé que le caleçon court était plus difficile à laver et séchait moins vite que le slip, qui lavé le soir, peut être porté le lende¬main matin.
Tels sont, brièvement exposés les motifs d’ordre vestimentaire, techniques en quelque sorte, qui motivent l’accueil froid réservé au cale¬çon court.
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Mais ce ne sont pas les plus importants.
Il y a en effet le facteur médical.
Le fantassin, même motorisé, marche beaucoup plus à pieds, de jour comme de nuit, dans le type de guerre que nous menons : guerre qui peut être comparée à une chasse.
Or il semble prouvé que les irritations cutanées étaient bien plus fréquentes, de l’ordre de 2 ou 3 fois, chez ceux, qui portaient le caleçon en grosse toile de l’armée que chez ceux qui portent le slip.
Ceci semble dû au fait:
-que la trame très grossière vient petit à petit, lors des inévitables frottements entre ce vêtement et la peau, raboter les couches superficielles de 1’épidémie, favori¬sant ainsi l’inoculation, de microbes qu’elle porte sur elle.
-que le poids du caleçon étant relativement élevé, ce vêtement possède une force d’inertie notable, et ne se déplaçant pas en avant et en arrière a la même vitesse que les cuisses qu’il entoure. Ce sont ces mouvements asynchrones qui sont à la source des frottements.
Sans mésestimer l’importance des motifs médicaux, je pense finale¬ment que c’est le facteur psychologique qui est le plus important.
D’abord le militaire se recrute dans le civil et aspire, malgré nos efforts pour lui rendre la vie militaire agréable, à redevenir civil.
L’affreuse « quille «dont, je m’efforce d’éviter l’apparition sur les murs de mes casernements, en est le symbole, Pourquoi attendre du militaire du contingent une attitude franchement opposée à celle du citoyen moyen?
Ensuite le soldat est un transplanté, comme tout transplanté, il est anxieux, comme tout anxieux, il prévoit le pire. Ce pire peut avoir de nom¬breux visages, depuis le médecin qui passe la visite, jusqu’à l’accident ou la blessure qui oblige à montrer ses sous-vêtements.
Le caleçon, il faut le reconnaître, a une mauvaise réputation «se retrouver en caleçon » ne se dit-il pas d’une troupe qui n’a pas eu devant l’ennemi le succès auquel elle s’attendait .Et l’Armée française, dans ce domaine, après 1940, l’Indochine, le Maroc et la Tunisie, à l’epiderme extrê¬mement sensible.
Notre militaire, dont la tenue est, il faut en rendre hommage à l’l’Intendance, est beaucoup plus seyante qu’en 1939, reste faraud et plait aux femmes. La moralité étant à ce qu’on dit en baisse depuis 1′ institution de l’école laïque, il ne faut pas s’étonner que le militaire veuille se trou¬ver, quoiqu’ il arrive, dans une situation vestimentaire qui lui permette d’aborder avec succès l’aventure qui s’offre.
La jeune génération a baptisé celle qui la précède de noms aux -quels on n’avait jamais songé jusque-là: croulants, amortis, sons et lumières etc…Comment veut-on dans ces conditions, faire accepter aux jeunes gens un vêtement qui, au même titre que le chapeau melon ou la guêtre blanche est un emblème des temps révolus. Il en est du caleçon, dans le domaine vestimentaire, comme de la marine à voile ou de la lampe à huile sur le plan politique.
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Aux termes de cette enquête, et après mure reflexion,je pense qu’une solution peut être trouvée pour résorber le stock actuel;pourquoi après de légères retouches, ne pas transformer le caleçon court en culotte d’EPM en laissant à l’utilisateur la liberté de porter ou non, un slip par dessous?
Je précise, pour conclure que l’enquête dont je viens de vous livrer le résultat, résume les opinions-à mon avis, très autorisées-de l’ensemble de mes subordonnes ; il s’agit d’une étude objective du comportement des hommes qui sont sous leurs ordres.
J’aiderais y ajouter la conclusion personnelle qui donnerait à ce rapport l’autorité que confère une expérience de Chef de Corps, mais mal-heureusement sans doute par soucis de juste milieu, entre le caleçon que j’ai porté avec fierté à l’Ecole Spéciale militaire de St CYRde1935 a 1937 et le slip que portent mes hommes, je porte exclusivement des caleçons courts de l’Intendance.
signé: de la porte des Vaux.